Le dernier jour

Aujourd’hui c’est mon dernier jour. Non pas que je vais mourir ou quoique ce soit du genre, on se rassure. Mais aujourd’hui c’est mon dernier jour de plein de choses.

Avant-hier soir c’était la dernière fois que j’étais affalée sur le canapé du salon à regarder des émissions débiles à la télé avec mes colocs. A savoir si l’acteur était un américain avec un accent terrible ou un britannique essayant de prendre un accent américain. Tout ça en me gavant de sushi et en insistant pour que les autres en prennent aussi.

Hier soir c’était la dernière fois que je m’entrainais à la pole avec les filles. Nous étions 4 filles dans le cours « intermediate » plus la prof. Je les adore toutes, j’ai eu le temps de poler avec elle, de rire avec elle d’applaudir quand elles réussissaient quelque chose pour la première fois. Et je ne les reverrai pas. J’ai promis d’envoyer des chocolats et je suis partie prendre le bus pour rentrer chez moi.

Ce matin c’était la dernière fois que je voyais mes colocataires. L. qui est parti le premier en cours, comme toujours. S. qui est parti travailler peu après. B. que j’ai souhaité tuer parce qu’il avait décidé de prendre un bain un vendredi matin alors que je voulais aller me doucher. E. qui est arrivé avec son copain alors que j’allais ramasser quelque chose près de la porte d’entrée, je leur ai ouvert et j’ai eu le droit à deux bonjours enthousiastes. J. qui est avec sa copine en train de jouer à un jeu vidéo. Pendant que je m’activais à boucler mes valises à jeter mille choses, à nettoyer, ranger, je les ai tous croisés un moment. Et j’ai eu le coeur serré. Je ne les reverrai plus. B. a dit « à une prochaine fois, à un autre moment et dans un autre lieu peut-être ». C’était assez triste. J’avais beau râler contre eux parce que je devais m’occuper de tout les « hey guys, come on… » vont me manquer.

Ce matin c’était la dernière fois que je me réveillais dans ce lit, une heure trente avant le réveil… comme toujours. La dernière fois que je voyais le ciel si gris de ma ville et la brique rouge des maisons d’en face. J’ai enlevé les draps, le linge, tout. Il ne reste plus que le matelas sur lequel je suis assise pour taper ces mots.

Aujourd’hui c’est la dernière fois que je vais vivre dans cette ville en tant qu’étudiante d’échange. Même si je l’ai souhaité de tout mon coeur pendant tout ces mois je suis un peu triste. C’est une page qui se tourne. Une de plus. J’ai la gorge nouée et mon estomac se croît dans des montagnes russes.

Aujourd’hui cela sera mon dernier examen, bientôt, dans quelques heures. Puis je me rendrai à la gare en courant avec mes deux valises, 40kg en tout. Je prendrai mon train puis mon avion. Et là je dirai adieu à cette Angleterre que j’ai tant maudite mais qui me manquera quand même.

Aujourd’hui ça sera aussi la dernière fois que je referai le trajet tant effectué, celui qui mène à l’université, puis au centre ville. La dernière fois que je reverrai ces lieux tellement familiers maintenant, que je ne remarque presque plus.

 

Et demain, demain je devrai écrire la prochaine page. Me pencher sur mon histoire encore une fois, et prendre ma plume et mon encre pour remplir les pages encore blanches. Demain je ne serai plus tout à fait la même, mais je ne serai pas pour autant si différente. Quand j’entendais qu’Erasmus nous changeait je pensais que ce n’était que pour les expériences positives, la mienne ayant été plutôt négative je ne m’imaginais pas regretter cette ville, cette vie. Je ne m’imaginais pas que je serais si bouleversée aujourd’hui. Et pourtant.

J’oscille entre tristesse, peur, angoisse, joie, excitation et bonheur immense. Je ne sais pas trop à quel Saint me vouer mais je sais que je n’oublierai jamais. Cette période de ma vie restera gravée en moi pas comme exceptionnellement belle ou mauvaise, juste comme une expérience unique.

Ce soir je rentre retrouver mon amoureux et pourtant mon coeur est un peu en deuil.

Un jour je reviendrai surement ici et je me demande comment sera la ville, si je retrouverai celle qui a su me charmer, envers et contre moi.